Sur le marché de l’argentique, il y a une incohérence. D’une part la tendance des boitiers “réutilisables”, qui ne sont rien de plus que des jetables, pouvant être réutilisés. Et à l’inverse les “free focus” et les “big finder” qui sont souvent boudés, alors que très souvent aussi abordables et plus performants. Aujourd’hui, j’ai envie de vous faire comprendre, pourquoi un réutilisable à 30-50 € n’est pas le mieux pour commencer.
Le konica BF-2000 est l’exemple type, regroupant un viseur de grande taille et une optique free focus.
Mais d’abord c’est quoi un free focus et un big finder ?
Un appareil photo “free focus” désigne simplement un argentique sans gestion du focus. Impossible de faire la mise au point, ce qui le rend naturellement peu coûteux à produire. Pour compenser cela, ils sont fréquemment équipés d’une petite ouverture, pour couvrir un large champ de profondeur. De 1 m à infini.
Le big finder fait référence à une tendance des années 90. Qui désigne juste l’existence d’un grand viseur. Très confortable, mais peu précis pour le cadrage. Pour le faire correspondre à la visée, la focale est le plus souvent un grand angle. Ou alors, vous retrouverez des repères pour la limite du cadrage.
Je précise qu’avoir un appareil photo argentique free focus et avec un big finder était légion. On en trouvait souvent dans les supermarchés, dans des fascicules, en cadeau avec un abonnement quelconque. Très abordable, il existe aussi des modèles re badgés pour de la pub. Comme Coca-Cola, Renault et des milliers d’autres.
Oui, un Réutilisable est un free focus
Quoique dans la catégorie des boitiers tout en plastique (camera toy), on a Lomography et Holga qui proposent des modèles avec une gestion de la mise au point via zone focus. Je case ma revue du Holga 135 TLR, au passage, pour que vous ayez un exemple.
Photo du Holga 135 TLR
Et encore, eux disposent le plus souvent d’au moins 2 vitesses/ouvertures différentes, si le temps jongle entre nuageux et ensoleillé. Mais le prix est forcément un peu plus fort. Donc pour rester dans la même zone financière, je les rejette du sujet du jour.
Alors, pourquoi nous casser les burnes avec les réutilisables ?
Primo, ce n’est pas nouveau !
Kodak, Ilford, Agfa et des dizaines de petites marques indépendantes, nous sortent des “nouveautés” sous forme de réutilisables. C’est coloré, simple à prendre en main, le plus souvent avec une pellicule offerte.
Sauf que c’est toujours la même chose. Je ne parle pas du principe, mais vraiment de l’objet. Tous viennent d’un sous-traitant chinois, qui se contente de remplir le carnet des charges du client. Et d’ailleurs, sachez que vous pouvez les retrouver directement, sans nom, sur des sites de B2B (business to business), comme Alibaba ou Aliexpress.
1 exemple
Du plus récent au plus vieux. Alors que Ilford annonce son “Spirit 35” censé être un hommage à une production d’entrée de gamme, plus ancienne. Agfa avait déjà eu l’idée d’exploiter le même modèle. Ce dernier est bien entendu présent sur Alibaba, comme montré en dessous.
Et ce principe est le même pour tous. La forme peut changer, mais c’est toujours la même histoire. Je vous laisse voir entre le Harman réutilisable et le Kodak M36 :).
Secundo, non, ce n’est pas écologique
On peut se dire facilement que pouvoir le conserver, évite de le jeter, comme son cousin. Sauf que ça reste un appareil qui sort des usines, nouveau, générant de la pollution. Autant au niveau de la production que du transport. D’autant plus que souvent, ils s’endommagent rapidement. La manivelle de rebobinage du film est souvent la première pièce à lâcher. Le plastique est trop peu solide.
Tertio, une qualité photo en retrait
Pour celle-ci ça va aller vite, l’optique des réutilisables est aussi en plastique. Ce qui génère un piqué en retrait, surtout en périphérie. Cela ne devrait pas trop handicaper pour du paysage, plus pour du portrait. Un effet “Lomo” comme on dit maintenant.
Alors que les free focus et/ou big finder conservent (dans la majorité des cas) une optique en verre, plus précise.
Quarto, free focus, ne veut pas dire sans mécanisme ou électronique !
C’est un raccourci assez commun auprès des débutants. Ne possédant pas d’autofocus, on peut penser qu’il n’y a pas de moteur pour avancer le film, ou de cellule. Ce qui est faux, notamment pour le dernier. La vitesse/ouverture peut-être ajustée en fonction de la lumière. Aussi, vous bénéficierez de divers modes selon les modèles. Le plus souvent sur la gestion du flash (auto, forcé, désactivé…).
Alors qu’un réutilisable ne possède rien de ce que je viens de dire. Enfin si le flash interne est présent, mais ça sera à vous de l’activer.
Le Fuji DL-25N exprime bien cela. Free focus, mais avec moteur d’avancement, gestion auto de la cellule et du flash interne. Tout en gardant le système de chargement rapide “drop in loading”, breveté par Fujifilm.
Quinto, Un big Finder peut parfaitement avoir un Autofocus
Il est vrai qu’un Big finder peut désigner un compact bas de gamme, sans AF. Mais la tendance de cette période étant générale, une grande partie des boitiers produits avec cette technologie, en avaient un.
Un exemple dans la masse, le Kyocera Campus AF, Qui propose les 2. Un compact peu demandé, donc très abordable.
Oui, mais ce n’est pas neuf
La fameuse peur de tomber sur une occasion défectueuse. En toute logique, je devrais vous réorienter vers les vendeurs pros. Mais ils doivent se faire une marge pour tenir (comme moi avec benber’s shop).
Donc la solution reste Ebay. Vous trouverez toujours des ignorants qui vous vendront un caillou comme un joyau. Mais dans l’ensemble ils savent que les argentiques Free focus et/ou avec un Big finder sont rarement les plus demandés. Donc pour un prix équivalant à ce qui est une Camera Toy, vous aurez un point & shoot de meilleure qualité.
Si vous gardez le combo Ebay + Paypal, vous êtes protégé en cas de non-conformité. Et cela même si le vendeur dit ne pas reprendre. S’il le vend avec le statut “occasion” le compact doit fonctionner totalement.
Un premier pas vers une reprise de la fabrication d’appareils photo argentiques, de qualité, en 2021 ?
Je suis méfiant sur ce point. Je pense qu’il y aura une évolution de l’offre. Mais pour ce qui concerne un argentique plus “sérieux”, il semble que les grands noms préfèrent envoyer un mail à un sous-traitant chinois, pour légèrement modifier une production déjà existante. Dans la même logique il existe déjà chez ces derniers, des versions zone focus. Des copies des Holga, donc rien n’empêcherait de renvoyer un petit mail pour nous vendre une deuxième itération.
Je ne pense pas que ça marquera le début d’un lancement vers des produits d’une plus grande qualité de leur part. Sauf si ces mêmes sous-traitants y trouvent leurs comptes à développer cela. La Chine était déjà l’usine de beaucoup de marques dans le passé. Par exemple, le Minolta X-300s était assemblé par Seagull. Qui d’ailleurs le revendra plus tard sous les marques Phoenix, Soligor, Kalimar, Carena, etc. Le plus connu étant le surement, le Centon DF-300. Donc le savoir, ils l’ont.
Fuji a radicalement diminué son offre, préférant se concentrer sur l’instantané, plus rentable. La division film de Kodak n’est rentable que dans le domaine du cinéma, soutenant activement son maintien. Mais en ce qui concerne le grand public, ils sont encore dans le négatif. De plus, le fabricant américain augmentant les prix, par vagues.
Alors, je sais que Kodak a justifié cela comme un investissement envers la création d’une nouvelle ligne de fabrication. Pour faire des pellicules à prix d’or, étouffant ceux avec un budget modeste ? Doit-on vraiment croire que les tarifs vont baisser par la suite ?
Les seuls espoirs seront, je pense, peu abordables. Soit en provenant des historiques dans le secteur du haut de gamme, comme Leica. Soit d’indépendants via Kickstarter. Mais avoir un coût de fabrication faible est difficile à petite échelle.
En bref, nous verrons bien ce que cette année 2021 nous réserve.
Tout d’abord mes meilleurs voeux à toi et tes lecteurs pour cette nouvelle année que tout le monde espère bien meilleure que celle que nous avons quittée.
Ensuite, dans un article que j’avais fait paraître sur mon blog, j’en arrivais aux mêmes conclusions que toi : pourquoi diable acheter ces vagues appareils photo qui polluent encore un peu plus alors qu’il y a des millions (oui, vous avez bien lu) de compacts de qualité des années quatre-vingt à nonante qui dorment dans des tiroirs, des brocantes, des vides-greniers, des Emmaüs, des tantes, des cousins, des … et qui sont bien plus utilisables que ces concentrés de plastique indigestes. Vous les emporterez pour peu de frais : entre 10 et 35€ pour les plus sophistiqués, quand on ne vous les donnera pas. Juste vérifier que les piles n’ont pas coulé à l’intérieur, ce qui les rend inutilisables et – éventuellement – si vous avez un vieux film test, qu’ils chargent correctement la pellicule. Pour le reste, faites vous plaisir, photographiez avec de bonnes machines
Nous sommes donc d’accord ^^. Une bonne année également ! On en a tous besoin je pense.
J’adore le franc parlé et l’honnêteté de cet article!
Malheureusement je ne m’y connais pas du tout donc j’ai du mal à comprendre la conclusion.
J’ai quand même trouvé ça très intéressant!
Il est vrai que la conclusion datant de 2021. Le contexte de cette année est désormais flou, avec le recul. Merci pour le commentaire ;).